Arrache-moi la tête

Je suis en cours de mathématiques. Première S. Le prof nous explique une nouvelle notion. Formule à retenir, et exemples à l’appui.

Moi, je ne comprends pas. Je lis ce qu’il y a au tableau, je suis le raisonnement logique, et je ne comprends pas. Quelque chose m’échappe.

Je demande donc que le prof réexplique sa démonstration. Il s’exécute.

Je ne comprends toujours pas. Pourtant, ça n’a pas l’air compliqué. D’ailleurs, je ne sais même pas vraiment ce que je ne comprends pas. Je sais juste que ce que je ressens ne ressemble pas à l’illumination face à une évidence.

Autour de moi, personne ne partage mon interrogation. Visiblement, je suis tout seul à être largué. Heureusement, je suis d’habitude à l’aise avec cette matière, donc sans complexe en guise de frein, j’insiste : je ne comprends pas.

Le prof, davantage intrigué que mes camarades, qui commencent à ricaner ou s’impatienter, recommence. Doucement. En découpant chaque étape, et en s’assurant que je le suis pas à pas. A un moment, je bloque. De nouveau. Le prof répète. J’abandonne, et le dis : tant pis, continuons, je me replongerai dedans plus tard. La classe est soulagée.

Mais le prof ne dit rien. Il observe le tableau. Il relit la formule qu’il avait écrite de tête. Puis il se retourne, un léger sourire aux lèvres. Il prend une éponge, et corrige la formule. Un détail. Un signe plus au lieu d’un signe moins, trois fois rien.

Eternel pédagogue, il tire instantanément deux morales de cette histoire :

• il faut toujours se méfier de ce que l’on croit savoir par coeur (ça, c’était pour lui),
• il est toujours plus prudent de comprendre sans apprendre que l’inverse (ça, c’était pour mes camarades).

[…]

Aujourd’hui, j’en rajouterais une autre : savoir faire confiance à ses intuitions est une force sans pareille.