Le calendrier de l’habitude
Vous venez de prendre rendez-vous. Avec un ami, avec un dentiste, peu importe. Pour vous en souvenir, vous le notez dans un calendrier. Pourquoi ? Parce que, le moment s’approchant, vous regardez le calendrier autour de cette période-là, et le calendrier vous rappellera ce rendez-vous que vous auriez peut-être oublié sinon.
Vous comblez les imperfections de votre mémoire par un système externalisé, plus fiable. Et ça marche : lorsque vous prenez un engagement lié à une date, vous le stockez dans votre calendrier. Puis vous pouvez l’oublier, précisément parce que vous savez que vous pouvez compter sur votre calendrier.
C’est une parfaite répartition des tâches. Votre cerveau s’occupe de prendre les décisions nécessitant de la réflexion ( »Ai-je envie d’y aller ? Est-ce urgent ? Dois-je faire quelque chose avant ? »), et laisse la partie purement mécanique ( »C’est demain ! ») au calendrier. Si vous essayiez d’inverser les rôles, le résultat serait décevant : votre calendrier resterait muet devant vos critères de décision, et votre cerveau oublierait un rendez-vous sur deux.
Deux rôles, donc. Et un outil pour chaque rôle. Un outil pour prendre des engagements (= votre cerveau), et un outil pour les tenir (= votre calendrier). L’un sans l’autre ne sert à rien.
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Jusqu’ici, on s’est concentré sur un engagement lié à une date. Et le calendrier est l’outil parfait pour les gérer.
Mais comment tenir un engagement qui n’est pas lié à une date ? Un engagement qui nécessite plutôt une action régulière ? Par exemple, vous avez décidé de faire du sport deux fois par semaine, mais votre emploi du temps variable ne vous permet pas de fixer à l’avance les jours de la semaine où vous le ferez.
Votre cerveau est parfaitement capable de prendre cet engagement. Mais il devient beaucoup moins fiable quand il s’agit de le tenir. Et un calendrier ne vous sera d’aucune utilité dans ce cas-là, parce qu’un calendrier n’excelle qu’à stocker des événements qui ont lieu à une date précise. (Vous pouvez essayer de stocker autre chose dedans, mais ça ne marchera pas, ce n’est pas fait pour ça.)
Comment faire ? Comment tenir ses engagements qui tiennent plus de l’habitude que d’autre chose ?
Il faut trouver un outil similaire à un calendrier, et rendre cet outil fiable à vos yeux. Ce dernier point est un peu taquin, parce qu’on rentre dans une histoire d’oeuf et de poule qui se mordent la queue, donc je vais commencer par la description de l’outil.
Cet outil jouerait le même rôle pour les habitudes qu’un calendrier pour les rendez-vous : il permet de s’en rappeler, et d’aider à tenir ses engagements. Faute de mieux, appelons-le habitudier.
A ma connaissance, vous ne trouverez pas d’habitudier dans le commerce (le fait que je sois obligé d’inventer un mot pour le désigner était déjà un indice allant dans ce sens), mais vous pouvez le créer. Pour commencer, un simple tableau suffira, avec les habitudes en colonne et les dates en lignes. A chaque fois que vous allez faire du sport, vous allez mettre une croix à l’intersection entre la colonne « Faire du sport 2 fois par semaine » et la date correspondante. Ensuite, la deuxième partie du tableau est un simple récapitulatif comparant votre engagement et la réalité. Par exemple, ça vous permettra de voir que, au mois de mars, vous avez fait 5 fois du sport, alors que vous vous étiez engagé à en faire 8 fois.
Une fois cet habitudier créé, il faut qu’il devienne fiable à vos yeux. C’est clé pour qu’il soit utile. Revenons un instant sur le calendrier. Votre calendrier est utile parce que vous savez que vos rendez-vous sont dedans. Si vous ne pouviez pas vous fier à ce calendrier, vous cesseriez de le consulter. Vous cesseriez aussi de le remplir, d’ailleurs. Pour la même raison, il faut que vous preniez l’habitude de consulter cet habitudier. Et voilà le paradoxe : l’idéal serait pour cela d’utiliser… un habitudier.
Voici une parade : appuyez-vous sur une habitude existante. Par exemple, si vous prenez un café tous les matins, essayez de consulter votre habitudier tous les matins en prenant votre café. Si vous parvenez à ancrer cette habitude, vous avez fait le plus dur. Car consulter cet outil au quotidien suffit pour en déclencher les principaux bénéfices.
Premier bénéfice : vous suivez la tenue de vos engagements. Là où votre mémoire va vous faire défaut, votre habitudier va vous rappeler très précisément l’engagement que vous aviez pris, et où vous en êtes. (Libre à vous ensuite de vous trouver des excuses ou de rectifier le tir.)
Second bénéfice : vous avez une piqûre de rappel quotidienne de vos engagements. Ca va obligatoirement avoir un impact positif sur le fait d’agir en conséquence, ou de créer des occasions de le faire.
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Une fois que, grâce à l’habitudier, un engagement est devenu une habitude solidement ancrée, inutile de le garder dans l’habitudier.
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