Arrache-moi la tête

La série La quête de de l’oiseau du temps a longtemps été pour moi une bande dessinée mythique. Au-delà de l’univers, du style graphique et de l’histoire, ce sont les trajectoires de chacun des personnages qui m’ont toujours fasciné. Un dur-à-cuire ne pouvant s’empêcher de combler l’enfant qu’il croyait ne jamais avoir eu, une sorcière tentant de se mesurer à des forces plus grandes qu’elle, une aventurière tentant d’exister en dehors des attentes de ses géniteurs, un mercenaire cherchant un acte de noblesse à accomplir, un vieux sage rêvant de transmettre son héritage, un jouvenceau espérant découvrir le sens de sa vie à chaque rencontre… Des destins tragiques pour la plupart, finissant par transformer l’élan naturel de chacun en une force auto-destructrice.

Des années après la publication de cette série, ses auteurs Régis et Loisel ont entrepris de raconter les aventures antérieures de ces personnages – ce qu’on appelle un prequel, dans le jargon de l’industrie du récit. Ce nouvel élan s’intitule Le cycle avant la quête, et entreprend de combler les trous béants laissés par la série originelle. Tous les méandres de cette nouvelle histoire semblent répondre à la même question : comment ces personnages sont-ils devenus ce qu’ils sont ?

La lecture de ces tomes nous en apprend beaucoup sur le pouvoir de l’imagination et la magie du non-dit. Car si le récit est très plaisant à lire, les réponses apportées sont décevantes. Décevantes, non pas par leur qualité, car les évènements racontés n’ont rien à envier à ceux du cycle initial. En revanche, ils ne sont pas à la hauteur de… ce qu’ils auraient pu être. Ne pas savoir certaines choses, ne pas comprendre certaines relations : le mystère était une des forces invisibles de La quête de l’oiseau du temps. En croyant percer le mystère, on découvre que c’est une bulle de magie que l’on fait exploser. Et qu’on ne retrouvera jamais ce moment précieux, celui où l’on imaginait les possibilités, parce qu’on ne savait pas.