Le reste des compétences
L’autre jour, je donnais une conférence, sur un ton mi-taquin. Après la conférence, une personne me rapporte avoir entendu son voisin de rangée s’exclamer : « Il est vraiment drôle« .
[...]
Ce détail m’a fait prendre conscience d’une nuance supplémentaire concernant les forces et les faiblesses.
J’ai souvent eu tendance à classifier les compétences d’une personne dans trois catégories :
- les forces rares (= meilleur que 90% des gens), dans lesquelles il faut investir autant que possible
- les faiblesses béantes (= pire que 90% des gens), qu’il faut juste tenter de réduire pour qu’elles ne soient pas trop nuisibles
- le reste, sur lequel il ne faut pas d’attarder
[...]
Être drôle n’est pas une de mes forces rares. Personne ne m’a jamais dit que j’avais un talent particulier là-dedans. Ma carrière professionnelle ne s’est pas bâtie sur cette compétence. Et quand j’ai entendu le propos rapporté, j’ai mentalement complété la phrase « Il est vraiment drôle… pour quelqu’un qui fait une conférence sur un thème sérieux« .
Mais après coup, j’ai réalisé que, précisément, c’est parce que mon métier n’attend rien de moi sur cette dimension qu’être légèrement drôle devient un atout. Si je cherchais à devenir humoriste, mon niveau de drôlerie serait bien trop bas. Mais dans un domaine d’activité où cette force n’est pas exigée, être capable de l’activer un peu demeure bien utile, en complément de mes forces rares.
[...]
Cette réalisation ne vient pas de nulle part. J’avais déjà entendu Scott Adams, connu pour son personnage de bande dessinée Dilbert, exposer sa théorie sur le sujet : « If you want something extraordinary, you have two paths: 1) Become the best at one specific thing. 2) Become very good (top 25%) at two or more things. I can draw better than most people, but I’m hardly an artist. And I’m not any funnier than the average standup comedian who never makes it big, but I’m funnier than most people. The magic is that few people can draw well and write jokes. It’s the combination of the two that makes what I do so rare. And when you add in my business background, suddenly I had a topic that few cartoonists could hope to understand without living it. »
[...]
La nuance que je comprend maintenant concerne les compétences que j’avais tendance à catégoriser comme « le reste », c’est-à-dire ni des forces rares, ni des faiblesses béantes. Je réalise que dans ce tas se cachent énormément de compétences où l’on est juste meilleur que la majorité des gens. Ce qui n’est jamais suffisant pour en faire le point central d’une carrière, mais suffisant pour en faire un complément différentiateur.